Barthélémy Vinet dit Larente à la fin de son contrat d’engagement, vraisemblablement en 1668, va décider de s’établir dans la colonie malgré un environnement hostile et froid et les diverses menaces amérindiennes nombreuses à cette époque.
Une tranquillité toute relative régnait en dépit de la présence du régiment de Carignan, arrivé au pays en 1665. Les nouveaux colons sont confrontés à la résistance obstinée des Iroquois.
Il a fallu attendre 2 ans après le recensement de 1666 avant de retrouver une nouvelle trace de Barthélémy Vinet dit Larente dans les documents de la colonie [1].
Son statut d’engagé lui impose des règles strictes. « Tant qu’il est en servitude, l’engagé ne peut obtenir de titre de propriété dans la colonie, il n’est pas « habitant ». Son statut lui interdit la traite des fourrures, il n’a pas le droit de fréquenter les cabarets et il ne lui est pas permis en théorie de se marier. [2]
A court terme, l’objectif est de prendre une terre et une épouse.
Il reçoit le 16 décembre 1668 [3] de Robert Cavelier de La Salle l’une des premières concessions de terre de la nouvelle Seigneurie de Saint-Sulpice [4] devenu Lachine. Cette concession est située en amont du « grand Sault Saint-Louis ». [5]
Son statut social passe donc « d’engagé » à « habitant » c’est-à-dire propriétaire d’une terre.
Barthélémy Vinet dit Larente, pionnier de la « Seigneurie de Saint-Sulpice »
Sans répondre de manière précise et exhaustive, Normand Mousette à travers le dépouillement d’archive de la Seigneurie de Saint-Sulpice mentionne que :
«Ainsi, à la lumière de ces documents, on peut constater que René Cuillerier dit Léveillé, Raimond Boisneau dit La Chaume, Barthelemy Vinet dit La Rente [souligné par nous], Pierre Roussel, Nicolas Moisan dit le Parisien, Pierre Perusseau et Pierre Gauthier dit Sagouingoara figurèrent parmi les premiers concessionnaires établis sur la seigneurie octroyée à La Salle. » [6]
Son contrat de concession et ses clauses
Les clauses et conditions de son contrat de concession sont caractéristiques des contrats de concession de l’époque. [7]
Dimensions
Cette concession de 3 arpents de front par 20 arpents de profondeur et d’une quantité de 60 arpents est située sur la côte Saint-Sulpice nommée « La Chine » en 1676 à la création de la paroisse des Saint-Anges-de-Lachine. S’il n’a pas de prairies dans l’étendue de la terre qu’il lui est concédé, il lui en serait donné 4 arpents ailleurs.
Emplacement
Elle est située sur le bord du lac Saint-Louis et borde la concession de Pierre Roussel. Les autres terres qui bordent la sienne ne sont pas encore concédées.

©Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Centre d’archives de Québec, P18259-Y-12
Emplacement supplémentaire dans le village et conditions
La Salle lui concède également un demi-arpent dans le village qu’il voulait établir en amont du rapide en raison de son emplacement stratégique. [8] Barthélémy doit y avoir feu et lieu c’est-à-dire s’établir dans le village avant le jour de la Saint-Jean de l’année 1669.
Cens et rentes
Les rentes seigneuriales sont de 1 chapon par arpent de front et 2 liards par arpent de superficie de terre payable le 17 janvier, jour de la fête Saint-Sulpice de chaque année. Cette date est assez inusitée, car habituellement les rentes sont payables le 11 novembre à la Saint-Martin d’hiver après les récoltes.
Les redevances seigneuriales pour le demi-arpent dans le village sont de 6 deniers tournois payables également le 17 janvier jour de la fête de Saint-Sulpice.
Droit de commune
De plus, Cavelier de La Salle accorde un droit de commune à Barthélémy à raison de 5 sols par an, comme à tous les censitaires pour faire paître leurs bestiaux. Cette commune est d’une superficie de 200 arpents partant du lac Saint-Pierre et aboutissant à l’ouest à la cédrière qui est derrière l’habitation de Pierre Gauthier dit Sagouingara. Pour l’utilisation de cette commune, il doit contribuer à égoutter les terres et y avoir feu et lieu.
Moudre son grain
Son contrat mentionne qu’il doit faire moudre son blé au moulin seigneurial du lieu. Les droits de mouture correspondent au quatorzième minot. [9]
Comme la seigneurie est à ses balbutiements, il n’y a pas de moulin dans la seigneurie. Le premier moulin est entré en fonction en 1671. Il était situé dans l’enceinte du Fort Rémy.
C’est Jean Milot qui a obtenu le droit de construire et d’opérer le moulin pour une période de 10 ans [10] pour les bénéfices des colons sur la terre qu’il a acquise de Robert Cavelier de La Salle. [11]
Droit de pêche et de chasse
Ce contrat prévoit un droit de pêche et de chasse sur le devant de la concession qui borde le lac Saint-Louis et sur l’étendue de la terre et cela sans aucune redevance.
Entretien des chemins
Barthélémy doit accepter la construction d’un chemin et de faire sa part pour sa construction, son entretien et pour l’égouttement.
Clause particulière
Pour les difficultés que Barthélémy Vinet dit Larente doit encourir pour transporter ce qui est nécessaire à son établissement, pour sa commodité et pour les bois et des abatis retrouvés sur le sentier entre « Villemarie» et la Seigneurie de Saint-Sulpice, il est exempté de rentes seigneuriales jusqu’à l’année 1671 à la condition qu’il s’établisse dans le village ou avec la permission du cessionnaire, sur le lieu de sa concession avant le jour de la Saint-Jean 1669.
L’acte collationné [12] mentionne qu’il a respecté cette condition. Toutefois, il n’est pas possible de savoir s’il s’est établi dans le village ou sur sa concession.
Acte de concession de la terre par René Cavelier de La Salle à Barthélémy Vinet dit Larente
[page 1]
[Transcription (règles de transcription)]
René de La Salle, seigneur de la coste Saint-
Sulpice, scise en l’isle de Montreal païs de la Nouvelle
France, avons donné et concédé, donnons et concedons
a Barthellemy Vinet dit La Rente, c`y devant
demeurant a Montreal a Villemarie de Montreal, la
quantité de terre en laditte coste qui ensuit, scavoir
trois arpens de front sur le bord du lac Saint-Loüis
abboutissant d’un costé a l’habitation de Pierre Roussel
et finissant a celle de [blanc]
et vingt arpens de profondeur en allant sud sud’ouest et
Nord nord’est en gardant tousjours la même largeur
de trois arpens jusqu â la quantité de soixante arpens
de terre /
De plus, luy avons donné et concedons, un demy arpent
de terre dans le village, abbouttissant comme il sera
porté par un contract special qui luy en sera donné.,
Item, en cas qu’il ne se trouve point de prairie dans
l’estenduë de laditte terre, nous luy en donnerons quatre
arpens ailleurs, a la charge de par ledit Barthelemy Vinet
de payer par chacq arpens de front un chappon, et deux
liards pour chacun des susdits soixante arpens de terre.
cinq sols pour le droict de commune, et six deniers
tournois pour le demy arpent de village, le tout payable
par chacun an le dix septiême janvier feste Saint
Sulpice, sera de plus ledit Vinet, d’avoir feu et lieu
dans le village de laditte coste de faire moudre
son bled au moulin seigneurial dudit lieu, de
souffrir et faire sa part des chemins et esgousts
necessaires pour la commodité publicque, ausquelles
conditions laquelle terre demeurera a luy, et a ses
hoyrs et ayans cause en pleine proprieté et paisible
joüissance, fait en notre maison de la coste Saint
Sulpice le seizième de decembre gbjc [mil six cent] soixante et huict.
signé R. Cavelier de La Salle sans parraphe, et ensuitte.,
en consideration de la peine et travail qu’il `y a’, a
[Page 2]
transporte du Montreal en cette coste ce qui est
necessaire pour la commodité de l’habitation a
raison de l’incommodité des bois et des nouveaux
abbattis qui se font sur sur le chemin, voulans en
quelque façon rescompenser les habitans de ce lieu
des peines et despences qu’il a convenu faire pour s`y
establyr, les avons tenus et tenons quictes
et acquictez de ce qu’ils nous doibvent de rentes
seigneurialles jusqu’à l’année gbjc (mil six cent) soixante et unze,
inclusivement pourveu, qu ils ayent feu et lieu dans
le village, ou avec nôtre permission sur le lieu de leur
concession avant le jour de la Saint-Jean prochain
venant., de plus, leur accordons a la même
condition droict de pesche et de chasse devant
la largeur de leur habitation et dans l’estenduë
d’icelle., De plus leur accordons pour commune
deux cent arpents de terre dans le lac Saint-Pierre
et abboutissant a l’ouest a la cedrière, qui est derrière
l’habitation de Pierre Sagouengara, a la charge de
contribuer a esgouste dans les terres concedéés auront
part tous ceux qui auront travaillé sur les terres
et `y auront feu et lieu dans ledit terme dedit la Saint
Jean, fait en nôtre maison de la coste Saint-Sulpice
le seizième decembre gbjc [mil six cent] soixante et huict signé
René Cavelier de La Salle comme c`y devant, et au retour de
la feüille est escrit,
Je soubsigné reconnois que Barthellemy
Vinet a satisfait aux rentes seigneuriales
ausquelles il estoit obligé, a raison de la
terre que luy avons concedeé, pour l’anneé
[page3]
mil six cent soixante et neuf, dont
je le tiens quicte, fait en la coste Saint
Sulpice le seizième decembre gbjc (mil six cent) soixante
huict, signé René Cavelier de La Salle
Il est ainsy a son original en papier
dellaissé estude de moy nottaire royal
et de la seigneurie de Montreal soubsigné
par ledit Vinet pour `y avoir recours au
besoin, et dellivré la presente expedition
a sa veuve pour luy servir et valoir ce que
de raison ce vingt-sixième janvier
gbjc (mil six cent) quatre vingt huict //
(signé) Basset (paraphe)
notaire royal
Paléographie par Harold Larente le 31 mars 2017
[1] Après avoir reçu la concession d’une terre à Lachine en 1668, nous retrouvons des mentions dans les archives paroissiales, notariales ou de justices de Barthélémy Vinet dit Larente à chaque année de sa vie dans la colonie.
[2] Lachapelle, Marie-Andrée, L’insertion sociale des engagés dans les campagnes du gouvernement du Québec dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention d’un grade de Maître ès art (M.A.), Faculté des lettres, université Laval, 1999, p.26
[3] 16 décembre 1668, Concession d’une terre pour Barthelemy Vinet par Monsieur de La Salle, Notaire Bénigne Basset dit Deslauriers, [1657-1699] Source : TL 313, S1 [contrat sous seing privé], BAnQ, Dossier 06M-CD1 2/2.231 – Il s’agit d’une copie d’un acte délaissé à l’étude du notaire Basset par Barthélémy Vinet dit Larente, qui a été transcrit par le notaire le 26 janvier 1688 pour être « délivré » à la veuve Vinet [Étiennette Alton].
C’est chargé d’émotion que j’ai pu consulter l’original de ce contrat à la Bibliothèque des Archives nationale du Québec (BanQ) Vieux-Montréal, l’an dernier.
Ce contrat et sa transcription se retrouve à la fin de l’article.
[4] Cette seigneurie accordée à Robert Cavelier de La Salle à l’automne 1667 par les sulpiciens est nommée Seigneurie de Saint-Sulpice disparait le 9 janvier 1669 alors qu’il la rétrocède aux « Seigneurs et propriétaires de l’isle de Montréal » pour vaquer à ses projets de voyages. Elle fait donc partie, dès lors, des terres de l’île de Montréal. On peut lire l’ouvrage de Normand Mousette intitulé « En ces lieux que l’on nomma La Chine… », publié en 1978 par la Cité de Lachine et qui retrace la genèse de Lachine.
[5] Aujourd’hui connu comme les rapides de Lachine
[6] Normand Mousette, En ces lieux que l’on nomma La Chine… », Cité de Lachine, 1978, p. 108
[7] On peut consulter la publication de Marcel Trudel – Le régime seigneurial, Les brochures de la société historique du Canada, n° 6, Ottawa 1971. Elle est disponible en téléchargement à l’adresse suivante : https://www.archiv-histo.com/assets/publications/OutilsRecherche/1971_Trudel,Marcel_Le_regime_seigneurial.pdf
[8] Les voyageurs, en aval du rapide et ceux en provenance de Québec et qui se dirigent vers les Grands Lacs doivent s’y arrêter pour y faire du portage.
[9] Trudel, Marcel,op. cit. p. 13
[10] « Dans l’acte d’acquisition de Robert Cavelier de La Salle] il est indiqué que Milot obtient le droit de bâtir un moulin qui, s’il ne veut pas perdre ce droit, devra être fin prêt à produire de la farine dès le mois d’aout de l’année suivante [1670]», Source : Gravel, Denis, Une approche historique et économiques de la société lachinoise 1667-1767, Rapport présenté par l’auteur à la Société historique Cavelier-De-Lasalle, 6 décembre 1993, p. 9.
« Ne pouvant respecter la clause offerte un an plus tôt par Cavelier de La Salle de bâtir un moulin dans un délai aussi court, le couple Milot obtient encore une fois le droit de :
« Bastir ou faire Bastir a Leurs fraiz et despens Un Moulin à vent de pareille matière, Manière, Circonférance et Consistance que l’Un de Ceux desdits Seigneurs Situé en cette Isle proche Le Chasteau dudt lieu, & ce Sur Une Concession que lesdits Milot & sa femme ont acquise dudit La Salle, Assise audit Montréal Au Lieu dela Chine ainsy appellé, Sur quatre arpents de Terre que Mondit Soeur Labbé choisira (…) Lesquels Milot & sa femme pour cet effect Seront Tenus dy faire Travailler Incessament, Moyennant quoy Lesdits Milot et Sa femme Jouyront D’Iceluy Moulin et des revenus qui en pourront provenir des sujets deladite Isle et de ceux qui y aporteront Leurs grains leurs successeurs et ayant Cause pendant dix Années Entières et Consécutives qui commenceront a courir du Jour & date des presentes… »
Source : Gravel, Denis, Une approche historique et économiques de la société lachinoise 1667-1767, Rapport présenté par l’auteur à la Société historique Cavelier-De-Lasalle, 6 décembre 1993, p. 10
Le Séminaire de Montréal reprennent à leur charge le moulin de Lachine par un acte du 2 novembre 1673, source : Normand Mousette intitulé « En ces lieux que l’on nomma La Chine… », publié en 1978 par la Cité de Lachine, p. 39
[11] 3 février 1669, Begnine Basset, « Vente de terre située (…) au-dessus du Sault St Louis; par Robert-René Cavelier de La Salle, de Montréal, à Jean Millot … »
[12] voir note 3
Bibliographie
Lachapelle, Marie-Andrée, L’insertion sociale des engagés dans les campagnes du gouvernement du Québec dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention d’un grade de Maître ès art (M.A.), Faculté des lettres, Université Laval, 1999
Marcel Trudel – Le régime seigneurial, Les brochures de la société historique du Canada, n° 6, Ottawa 1971. Elle est disponible en téléchargement à l’adresse suivante : https://www.archiv-histo.com/assets/publications/OutilsRecherche/1971_Trudel,Marcel_Le_regime_seigneurial.pdf
Normand Mousette, En ces lieux que l’on nomma La Chine… », Cité de Lachine, 1978
Gravel, Denis, Une approche historique et économiques de la société lachinoise 1667-1767, Rapport présenté par l’auteur à la Société historique Cavelier-De-Lasalle, 6 décembre 1993
Claude Couture, Denis Gravel, Jean-Marc Grenier, Histoire de Ville de LaSalle, Montréal . Méridien, (c) 1988, 229 pages
Je commence à lire notre histoire de la famille larente je t en suis reconnaissant de ton travail. Peut tu me dire pourquoi vinet dit larente?
Je vous remercie pour vos bons mots!
Vous trouverez dans le billet numéro un « Qui est Barthélémy Vinet dit Larente » en cliquant sur ce lien http://blogharoldlarente.ca/2018/01/23/qui-est-barthelemy-vinet-dit-larente/#more-81 une partie de la réponse pour le patronyme Vinet. Pour ce qui est du surnom Larente, Je n’ai pas trouvé encore son origine. Est-ce que ce surnom évoque son lieu d’origine ? Il y a peut-être lieu de chercher dans cette voie, car plusieurs endroits dit La Rente sont présents dans la région de Saint-Pierre-de-Juillers dans un rayon de 75 kilomètres dont Saint-Vaize, Montils, Juiliac-le-coq, Archingeay et Saint-Georges-Antignac.
Merci d avoir pris le temps de me répondre j aime beaucoup l histoire et de notre famille en particulier
Harold, c’est un vrai plaisir de suivre ton blogue et de découvrir enfin en détail, nos origines! J’attend la suite avec impatience!
Merci!
bonjour Harold peut on savoir si nous avons des amérindiens dans notre lignée.merci à l’avance et je suis ta cousine monique j’ai pris mon deuxième nom pour facebook merci et bonne journée
Bonjour Monique,
Dans toute nos lignées (Larente et Charlebois), je n’ai retracé aucune origine amérindienne.